Nous poursuivons notre visite gallo-romaine du sénonais en nous arrêtant aujourd'hui à CHÂTEAUBLEAU, charmant village de 270 habitants en Seine-et-Marne, à l’époque au nord-est du pays sénon, non loin de la frontière avec les Meldes.
Fouillée presque sans interruption depuis 1961, la citée s'appelait probablement RIOBE comme l'atteste la table de Peutinger. Cependant les archéologues souhaiteraient trouver une inscription qui apporterait une preuve irréfutable du nom.
Sa population était sûrement beaucoup plus importante qu'aujourd'hui pour plusieurs raisons : un accès facile desservi par un réseau routier de premier ordre, la présence d'un sanctuaire avec une source guérisseuse, des temples et un théâtre d'au moins 3 000 places.
Dès le IIe siècle, RIOBE bénéficie d'une situation idéale de par sa position sur le tout nouvel axe nord-sud, la voie Agrippa qui relie Boulogne-sur-Mer (Gesoriacum-Bononia) à Avignon (Avenio) via Sens (Agendicum) et Lyon (Lugdunum).(voir un précédent article consacré au réseau routier). Aujourd'hui la D209 longe la cité, mais ceci ne veut pas dire que l'ensemble de cette route départementale soit construite sur l'antique voie.
A quelques kilomètres au sud de la ville, la voie Agrippa coupait la voie romaine VR18. Cet itinéraire reliait la région rouennaise à Troyes.(Augustobona), via Paris (Lutecia) et Montereau (Condate), attesté également par la table de Peutinger. Un tel réseau routier a sûrement participé au développement de RIOBE.
Après Aquis Segeste, la Motte du Ciar, et très probablement les Fontaines Salées, Riobe serait le quatrième sanctuaire découvert à ce jour en pays Sénon. Édifié au Ile siècle de notre ère, son plan général ne diffère pas beaucoup des trois autres. Néanmoins, c'est le plus petit des quatre : 32 mètres sur 35.
Un chantier a été ouvert par le Touring Club de France en 1961 au lieu-dit « La fontaine de la Tannerie » à l'extrémité nord du village.
Photo Touring Club de France 1969
Un bassin central entouré d'une galerie de circulation
Travail de l'auteur avec l'aide du logiciel de dessin Paint.net
Repère 1 - Deux hémicycles au nord et deux au sud d'environ 7 mètres de diamètre contenaient probablement des statues de divinités que les pèlerins pouvaient implorer ou remercier lors de leur passage dans la galerie couverte.
Repère 2 - Le bassin central
Repère 3 - Canalisation d'écoulement des eaux sous l'un des hémicycles sud
Il renferme un très riche mobilier archéologique : vaisselle, ex-voto, statuettes de divinités, nécessaire pour la fabrication de fausse monnaie, tuile avec inscriptions gauloises, et beaucoup d'autres choses toutes aussi passionnantes les unes que les autres.
L'interdiction de faire des photos dans le musée m'ayant été signifiée, je suis désolé de n'avoir rien à publier le concernant. Je le déplore, car l'immense majorité des musées autorise ou tolère les prises de vue. Aussi les illustrations ci-dessous seront tirées d'autres musées ou sites. Des indications seront portées sous chacun des clichés.
Les malades attirés vers les sources guérisseuses ou autres points d'eau divinisés révélaient une grande piété populaire, où médecine et religion s'entremêlaient étroitement. Grégoire de Tours donne son avis sur la signification des ex-voto. Les pélerins venaient offrir à la divinité guérisseuse les parties du corps atteintes d'une affection pathologique. Ces représentations étaient en pierre, en bronze ou en os parfois gravées. Par exemple à Alise-Sainte-Reine, c'est une cuisse qui est inscrite, en remerciement à Moritasgus.
Photo Wikipédia
Parmi les objets mis au jour, certains en forme d’œil atteste de traitements oculaires, mais cela ne prouve pas que Riobe soit un grand centre ophtalmologique comme les Sources de la Seine ou le Mont Auxois.
Des statuettes représentant des vénus sorties du bain ou des déesses mères allaitant un enfant symbole de la fécondité prouvaient les traitements d'affections féminines et probablement des nouveaux-nés.
Musée de SCEAUX-DU-GATINAIS - Photo de l'auteur
Le dieu Mercure Solitumaros qui signifie « qui voit tout » est assimilé à Lugus dieu celte doté de capacités visionnaires. Il y aurait probablement confusion entre le sens de la vue et la capacité de vision ou de conception des choses. Mais laissons les archéologues et autres spécialistes déterminer le sens exact de l'interprétation.
Photo wikipédia
Sucellos, latinisé en Sucellus, est une divinité de la mythologie celtique et gauloise. Il est le dieu les récoltes et des troupeaux. Mais il est vénéré également par les métiers du bois de part la présence de son maillet. La statuette exposée au musée de Châteaubleau n'est pas exactement celle proposée ci-dessous, mais donne une bonne idée.
Photo Musée d'Archéologie Nationale à Saint-Germain-en-Laye
Epona, protectrice des chevaux, est une déesse typiquement gauloise. Ils devaient se trouver en grand nombre à Riobe et dans ses environs car un ensemble de chevaux en bronze a été trouvé dans un puits cultuel.
Photo Musée d'Archéologie Nationale à Saint-Germain-en-Laye
« Châteaubleau, site Gallo-romain », publication photocopiée de l'Association La Riobe, Société Archéologique et Historique de Châteaubleau, édition avril 2011.
Émile THEVENOT, « Les eaux thermales et les sources guérisseuses en Gaule », Archéologia n°10 de mai-juin 1966
Émile THEVENOT, « Divinités et Sanctuaires de la Gaule », collection Résurrection du passé, édition Fayard, 1968
William Van ANDRINGA, « La religion en Gaule romaine – Piété et Politique (Ier – IIIe siècle après J.C), édition Errance
Sites remarquables
Association La Riobé, « Châteaubleau archéologie », adresse internet : http://www.archeo.fr/chateaubleau/index.htm
Inrap (Institut National de recherches archéologiques préventives), « Châteaubleau, les monnaies d'imitation », 2009, disponible sur http://www.inrap.fr
Jean-François BRADU, Professeur agrégé histoire-géographie, « Civilisations et
Patrimoine », disponible à l'adresse .http://jfbradu.free.fr