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28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 06:31

Je vous ai présenté la dernière fois l'une des mosaïques gallo-romaines conservée dans les musées de Sens. Aujourd'hui je vous propose de nous rendre dans une autre salle afin de découvrir la stèle funéraire d'un artisan local à peu près de la même époque.


La stèle de Bellicus, le jeune forgeron


C'est une stèle remarquable, car il s'agit d'un personnage sculpté dans une niche semi-cylindrique avec arrière-voussure sphérique accompagnée de deux oreilles, comportant elles-mêmes des informations importantes. Chaque détail de l'ensemble a une signification précise que nous allons détailler ci-dessous.


Ses dimmensions hors tout sont modestes : 1 mètre de hauteur sur 0,50 de large et 0,40 d'épaisseur. Selon Julliot, elle daterait du milieu du IIe siècle après J-C. Elle avait été mise au jour en 1864, lors du démontage de la muraille, près de la porte Formau. Elle avait été arrachée à l'un des cimetières qui entourait la ville 17 siècle plus tôt pour l'édification des ramparts d'Agendicum (voir l'article sur la muraille de Sens).

 

79 - Jeune chaudronnier - Aux dieux Mânes et à la mémoir

Photo de l'auteur publiée avec l'autorisation des Musées de Sens


Description de la stèle

Le personnage tient son marteau d'une main, et de l'autre une lame de fer qu'il appuie sur une enclume supportée par une console.

A hauteur de son épaule gauche est suspendu une paire de tenailles, et à droite un tisonnier. Ces détails sont impossibles à voir sur la photo, mais existent réellement. Aujourd'hui, il s'agit d'empreintes peu distinctes. On peut supposer que cette stèle a subi les outrages du temps depuis sa découverte au XIXe siècle, ou bien un nettoyage qui l'a fortement endommagée.

A ses pieds, un chien semble être à l'arrêt devant un lièvre de l'autre côté, ce qui pourrait laisser penser à la chasse.

 

79 - DSC04878

L'inscription

Sur les oreilles et le cintre de la niche, on peut lire :


D.                                               (M).

MEMOR(iae) BELLICCI BELLATOR (is filii)


Aux Dieux Mânes 

A la mémoire de Belliccus fils de Bellator

 

Comme dans la plupart des cas, elle commence par une dédicace aux dieux Mânes Dis Manibus, D.M. en abrégé. Dans la religion romaine les âmes des morts ou Mânes étaient l'objet de préoccupations constantes et donnaient lieu à des cérémonies publiques et privées tout au long de l'année. L'une d'entre elles appelée Féralia, célébrée à la fin février, durait 10 jours pendant lesquels toute la vie sociale était suspendue, les temples fermés, les autels éteints et les mariages interdits. Cette référence restera jusqu'au début de l'époque chrétienne et même au-delà.

 

Cette inscription est suivie d'une épitaphe qui apporte de nombreux renseignements sur le défunt, sa profession, sa position sociale, sa famille, son origine ... Ces témoignages épigraphiques sont malheureusement trop peu nombreux.


Analyse des noms


Le nom Bellicus est en latin un nominatif masculin singulier que l'on peut traduire ici par guerrier ou combattant, nom donné à ce jeune forgeron (faber). Cette indication est intéressante dans la connaissance des activités de ce jeune artisan.

Le latin nous apprend également l'activité de son père Bellator. C'est aussi un nominatif ou un vocatif masculin singulier, qui peut être aussi traduit par guerrier ou combattant.

Ces noms ne sont pas romains, mais très probablement des surnoms donnés à des Sénons enrolés de gré ou de force dans la légion. Par la suite, ils les ont conservé, car la mode de l'époque était aux coutumes romaines.


Description vestimentaire et coiffure

 

La coiffure de Bellicus est un mélange de deux modes : la romaine avec les cheveux court sur le dessus, et gauloise pour les cheveux long par derrière. On distingue sur la photo des mèches tombant sur les épaules.

Son vêtement n'est pas celui qu'il porte à la forge chaque jour. Le sculpteur le fait poser avec un habit composé d'une tunique et d'un ample manteau appelé généralement lacerna qui descend à mi-jambe. Deux ouvertures aménagées dans la cape lui permettent de passer les bras. Ce vêtement est de coupe gauloise.

Seul mystère non encore résolu, il ne porte qu'une seule chaussette au pied, l'autre étant nu.. Si mes lecteurs ont une idée sur la question, je suis preneur d'une explication !!!

 

Essai d'interprétation de la stèle


Bellicus et son père Bellator servaient tous les deux dans la légion romaine en tant que combattants, mais aussi et surtout comme forgerons des armées qui créent et entretiennent les armes du régiment. Avant leur incorporation, c'était déjà leur métier à Agendicum.

Suite à un évênement important, blessure, invalidité ou même fin de la période militaire obligatoire, ils sont rentrés chez eux et ont réouvert leur forge. Ils travaillent toujours l'armement, mais se sont spécialisés pour celui pour la chasse.

Apparemment ils vivent bien, l'affaire est prospère, car seuls les gens aisés se font faire une stèle.

 

C'est un très petit aperçu des magnifiques collections gallo-romaines des Musées de Sens. J'encourage vivement tous ceux qui le peuvent à venir découvrir les trésors qu'ils renferment.

 

Ouvrages consultés
  1. Gustave JULLIOT, « Inscriptions et Monuments du Musée Gallo-romain de Sens », ouvrage publié par la Société Archéologique de Sens, éditeur Duchemin à Sens, 1898
  2.  Publication du CRDP de Reims, « Rites et monuments funéraires chez les Gallo-romains », 1988  
  3.  L'Archéologue, n°119 d'avril-mai 2012, « Les Gallo-Romains vus par eux-mêmes » 
  4. Félix GAFFIOT, « Le Grand Gaffiot », Dictionnaire latin français, Hachette, 2000

 


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  • : Sens et le Sénonais antique et médiéval
  • : Histoire et Archéologie antique et médiévale d'un territoire immense constitué par les départements de l'Yonne, de la Seine-et-Marne, et d'une partie du Loiret et de l'Aube. Sa capitale s'est appelée successivement Agedincum, Senones, puis SENS.
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