Comme annoncé dans le premier article de ce blog, il nous arrive de faire quelques escapades hors du département de l'Yonne mais en restant toujours dans le pays Sénon.
Ce matin là, nous avions décidé de suivre le chemin de César au départ de Sens pour nous rendre à Sceaux-du-Gâtinais à quelques dizaines de kilomètres dans le département voisin du Loiret. Cet axe a été baptisé ainsi par les érudits des siècles passés, mais il s'agissait en fait de la première route transversale est ouest qui partait probablement de Trèves.
En vert, le chemin de César
La « table de Peutinger » établie au XIIIe siècle serait la copie d'une ancienne carte romaine. Elle situe Aquis Segete parmi les villes importantes de l'Empire.
Le site archéologique d'Aquis Segeste est situé au lieu dit Le Préau du hameau de La Rivière. Ce nom est né au VIe siècle de l'évolution du nom latin Aquae Segetae, sanctuaire thermal dédié à Segeta ou Segesta, déesse gauloise de la guérison. Ce nom éponyme aurait pour racine « Seg », forme celtique qui signifie « force ». Il semblerait que Segeste formait un duo avec Apollon, une statuette de ce dieu ayant été retrouvée à proximité.
Elle était considéré comme une « cité secondaire ». Elle s'étendait sur 25 ha et comprenait, outre l'enceinte sacrée, une agglomération avec ses commerçants et artisans, un fanum ou temple, des thermes et un théâtre qui pouvait contenir environ 6 000 spectateurs. C'était l'une des 52 villes d'eau de l'empire romain et un lieu de pèlerinage important.
Aucune date précise n'est avancée pour la construction de la cité par les romains. On peut la situer néanmoins entre 52 avant J-C et la fin du premier siècle de notre ère. Comme il était d'usage à cette époque, ils construisaient une ville nouvelle à coté d'une agglomération déjà existante à la fin de l'âge de fer appelée aussi 3ème Tène.
On doit les premières fouilles à l’Abbé COSSON à partir de 1868. Il faudra attendre 1964 pour qu'une équipe d'archéologues dirigée par Michel RONCIN mette au jour l'espace cultuel de la cité gallo-romaine. C'est un vaste périmètre de 125 m de long sur 75 m de large bordé de murets et d'une galerie marchande avec colonnade sur deux de ses côtés.
C'est un bassin polylobé excentré dans cette immense cour. C'est la première fois que nous sommes en présence d'une telle forme. Doit-on y voir un symbole, mais lequel ?
Un ex-voto trouvé sur le mur du bassin cultuel précise : « A l'auguste déesse SEGETA TITUS MARIUS PRICINUS s'est acquitté de son vœu avec bonne grâce. A pris soin de réaliser MARIA SACRA sa fille »
Statuettes offrandes votives.retrouvées dans le fond du nymphée
Tête d'enfant retrouvé également dans le nymphée
Il semblerait qu'une grande partie des pèlerins étaient des femmes venant implorer ou remercier la déesse pour des problèmes de stérilité ou postnatal.
Selon notre guide plusieurs genres de commerces ont été identifiés lors des différentes fouilles. L'emplacement de la boutique de droite sur la photo ci-dessous correspondrait probablement au « cabinet » d'un oculiste romain ou gallo-romain. L’œil était considéré à cette époque comme le reflet de l'âme et un élément de spiritualité. Une place importante était réservée aux soins des yeux.
Deux autres commerces relevés par les archéologues seraient ceux d'un bronzier et d'un tabletier.
Dans l'aile ouest a été identifié un local qui aurait pu être un entrepôt de nourriture. A l'arrière des constructions, à gauche sur la photo ci-dessous, un bac maçonné aurait pu être un vivier pour la conservation du poisson.
Les commerces installés dans cet enclos sacré avaient tous un rapport avec le bienêtre des pèlerins et la dévotion portée à la déesse. On peut imaginer la présence d'un fabricant de statuettes ex-voto comme celles représentées sur la photo ci-dessus.
Le reste de la ville est toujours présent sous les champs environnants. Depuis 150 ans, des fouilles ont été réalisées sur les sites du théâtre, du temple, des thermes et de l'agglomération. Elles ont permis aux archéologues d'établir une carte de l'ensemble du site.
Le Musée
En cette fin juin 2011, le musée des antiquités de Montargis a fermé ses portes. De très nombreuses pièces du mobilier archéologique d'Aquis Segete sont en caisse pour un retour prochain. Un projet de construction de musée est à l'étude non loin du site. Dès que nous en saurons plus, nous ne manquerons pas d'en parler ici-même.
- Classement aux Monuments historiques par arrêté du 9 décembre 1986
- Référence base Mérimée : PA00099018
- Roger DUPRE avec le concours du Groupe Histoire & Archéologie du Foyer Rural de Château-Landon,de la Communauté de Commune des Quatre Vallées et de l'Association SEGETA, Sceaux-du-Gâtinais – Un Passé de Prestige, Segeta 1997
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Lantier Raymond. Les Eaux et leur culte en Gaule. In: Journal des savants. 1962, N°3-4. pp. 227-236. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1962_num_3_1_1036