Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 mars 2011 1 28 /03 /mars /2011 11:17

A 10 km au sud d’Auxerre, sur la rive gauche de l’Yonne, le village d’Escolives est longé par la via Agrippa (a) dont une partie a été mise au jour lors des travaux de la RN 6. Cet axe majeur reliait Rome à Boulogne-sur-Mer. Il traversait notre département en desservant Avallon, Auxerre et Sens. Escolives, légèrement en retrait de cette voie, a sûrement profité de cette aubaine pour s’assurer une certaine prospérité.

 

Aucun nom du vicus n'a encore été retrouvé pour l’époque gallo-romaine. Il faudra attendre les mérovingiens pour que l'appellation Vicus (b) Scoliva soit attesté. Dans les années 50, l’archéologue et linguiste Paul Lebel y voit une racine celte évoquant une source, peut-être divinisée.

(a)   via Agrippa : désigne le réseau routier mis en place par Marcus Vipsanius Agrippa (63-12 avant J-C), général, homme politique et beau frère d’Octave futur empereur Auguste.

(b)  vicus : la traduction du mot latin est fonction du sens de la phrase. Ici nous retiendrons une petite agglomération agricole constituée de villas (villae). 

 

La construction de l’ensemble s’étale du 1er au Ve siècle avec une destruction, une reconstruction et plusieurs modifications. Les archéologues ont mis au jour des vestiges tout à fait splendides datant de la Pax Romana.

 

La région était déjà réputée pour ses vins. Le cépage appelé  « plant de César » recouvrait les coteaux des environs. L’un des blocs de frises retrouvé par Raymond Kapps illustre cette activité avec des vendangeurs ailés. L’un d’eux dépose les grappes dans un panier en osier.


Vendangeur ailé déposant son raisin dans un panier d'osie

Photo de l'auteur - Site et dépôt de fouille, commune d'Escolives-Sainte-Camille

Cet ensemble unique, sculpté des deux côtés, s’incérait dans le portique d’un monument religieux daté des deux premiers siècles. En complément, les archéologues ont mis au jour deux piliers sculptés représentant le panthéon d’Escolives : Junon, Mars, Hercule et Mercure pour l’un, Vénus, Hercule, Fortuna et Vulcain pour l’autre. Des représentations de divinités celtes dont Rosmerta (b) viennent clorent cette galerie divine.

(a) Fortuna : C'est la divinité du hasard et de la chance. Elle était très appréciée de Jules César. 

(b) Rosmerta : déesse de l'abondance et de la fertilité qui peut être associée à Mercure  Autre orhtographe existante "Rosemerta' 

 

La villa gallo-romaine d’Escolives couvre environ 5 ha. Elle se compose de 3 parties :  l’ensemble résidentiel, les thermes et la partie agricole. Si la pars urbana (a) a été entièrement fouillée, des photos aériennes ont permis de localiser les bâtiments de la pars rustica (b). Ultérieurement, des fouilles permettront de préciser le type d’activité agricole : céréalière, élevage ou viticole.

(a)  pars urbana : désigne la partie résidentielle de la villa.

(b) pars rustica : désigne la partie consacrée aux bâtiments de l’exploitation agricole, et peut être logements des ouvriers.

 

La villa s’organisait autour d’une cour de quarante mètres sur vingt. Un couloir sur le pourtour desservait les pièces d’habitation richement décorées de peintures murales. Les fragments retrouvés attestent d'une influence Pompéienne.

 

Les thermes publics font parti des édifices courants dans les villes de l’empire romain, mais des thermes privés sont beaucoup moins fréquents, et attestent de la richesse des propriétaires. Il pouvait s’agir de commerçants, de politiciens ou de hauts gradés de la légion.

 

La villa et les thermes étaient alimentés par le ru du Creusot. Les opérations de remplissages, de vidangeages et de nettoyage des différents bassins supposaient un personnel qualifié qui s’occupait également de l’entretien des foyers des hypocaustes placés à l’extérieur des thermes et des pièces d’habitation.

 

Les thermes comprenaient plusieurs salles, froides, tièdes et chaudes. L’ensemble était complété par une salle de sport, de repos et des latrines.

 

L’apodyterium, vestiaire des thermes, se trouve dans le couloir séparant les thermes dits des "grands bains" de ceux des "petits bains". Peut-être une séparation homme femme, c'est un mystère ? 

 

Ici, une salle de détente ou de massage jouxte le bain tiède. La photo montre le détail de l’installation de chauffage par hypocauste avec ses pilettes et bouches de chaleur.

 

Vestiaire et bain tiède

Photo de l'auteur - Site et dépôt de fouille, commune d'Escolives-Sainte-Camille 

 

Le sudatorium était la pièce où l’on venait transpirer, l’équivalent de notre sauna d’aujourd’hui. A Escolives, la pièce n’a pas été découverte. Elle se trouve très probablement sous le ruisseau.


Le caldarium était la baignoire d’eau chaude où chacun pouvait se laver avec l’aide d’un strigile, instrument en forme de racloir que les romains utilisaient lors des bains pour se décrasser.

 

Le tepidarium était la baignoire d’eau tiède. Elle était le dernier stade avant une bagnoire d’eau froide.

 

Le frigidarium, ici au premier plan, était une baignoire semi-circulaire d’eau froide. Puis vient le natatio était la piscine pour la relaxaxion. Elle jouxte ici une salle de sport. On la retrouve dans de nombreux établissements de bain à cette époque.

 

Frigidarium et Natatio

Photo de l'auteur - Site et dépôt de fouille, commune d'Escolives-Sainte-Camille

 

Tout était prévu pour passer de longs moments de détente dans les thermes. Ici les latrines. Elles s’inséraient dans un espace clos dont une banquette à plusieurs trous a disparu. A cette époque, c'était un espace convivial où plusieurs personnes pouvaient venir en même temps sans aucune séparation. C'est une chose difficile à comprendre à notre époque. Les latrines les mieux conservées se trouvent à Éphèse, aujourd'hui en Turquie.

 

Les latrines

Photo de l'auteur - Site et dépôt de fouille, commune d'Escolives-Sainte-Camille

 

A partir de l’époque mérovingienne, la villa et ses thermes vont peu à peu disparaître. Le ru du Creusot sera détourné pour l’alimentation d’un moulin en noyant une partie des ruines. La nécropole mérovingienne ne sera installée dans les ruines des bâtiments gallo-romains qu'à partir de l'extrême fin du VIe siècle, début du VIIe siècle

 

Élément de comparaison

 

La villa gallo-romaine d'Andilly-en-Bassigny en Haute Marne non loin de Langres a de très nombreux points communs avec celle d’Ecolives. La vidéo qui suit en donne un excellent aperçu : http://www.haute-marne.fr/archeologie/index.html

 Sources

 

Pascale LAURENT, "Les thermes d'Escolives-Sainte-Camille", Les Dossiers d'Archéologie,  "Les Thermes en Gaule Romaine",  n°323, sept.-oct. 2007

 

Pascale LAURENT, Escolives Sainte-Camille, ICAUNA, l’Archéologie dans l’Yonne, n° 13, 2004, édité par le ConseilGénéral de l’Yonne, Direction des Affaires culturelles

 

Alix BARBET, Pascale LAURENT et Claire LEPERT, Escolives Sainte-Camille : étude d'une décor peint,  Caudine ALLAG, Peinture antique en Bourgogne, Actes du XVIe séminaire de l'Aqssociation Française pour la peinture murale antique, Auxerre 24-25 octobre 1997, 21e supplément édité par la Revue Archéologique de l’Est et du Centre-est, Dijon 2003

 

Jean-Paul DELOR & Pascale LAURENT, "Escolives Sainte-Camille", Carte archéologique de la Gaule : Yonne 89/1 et 89/2, Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Ministère de l’Éducation Nationale, Ministère de la Recherche, Ministère de la Culture et de la Communication, Conseil Général de l’Yonne, Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 2002, p. 345-354.

 

Raymond KAPPS, Escolives Sainte-Camille gallo-romain, supplément édité par la Revue Archéologique de l’Est et du Centre-est, Dijon 1974 

 

 Certains des ouvrages ci-dessus sont disponibles à la boutique à l’entrée du site.

 

Pour se rendre sur le site

En venant d’Auxerre par la RN6, après « Champs sur Yonne » et « La cour Barrée », « Escolives Sainte-Camille » est signalé sur la droite à quelques centaines de mètres..

 

 

IMGP0854




 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Sens et le Sénonais antique et médiéval
  • : Histoire et Archéologie antique et médiévale d'un territoire immense constitué par les départements de l'Yonne, de la Seine-et-Marne, et d'une partie du Loiret et de l'Aube. Sa capitale s'est appelée successivement Agedincum, Senones, puis SENS.
  • Contact

Rechercher

Archives