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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 18:19

Le site de la Motte du Ciar a été construit par les romains au cœur du delta de la Vanne et proche de son confluent avec l'Yonne. Cet emplacement avait été surement choisi avec soin pour l'alimentation en eau du sanctuaire. L'origine pré-romaine est probable selon plusieurs spécialistes. 


Le plan d'ensemble est un péribole composé d'un mur de 1 800 mètres de périmètre. C'est monumental. L'espace ainsi délimité est formé d'un rectangle de 386 m sur 198 m, et d'un hémicycle de 221 m sur 170 m de profondeur, A l'intérieur, un déambulatoire d'une dizaine de mètres de large court autour du péribole. Des niches contenaient probablement des statues des dieux implorés. Du côté de la façade, une galerie entoure un portail très important.


Si la comparaison peut être faite avec d'autres sanctuaires, une galerie marchande pouvait offrir aux pélerins des services de type alimentaire ou médicaux comme un oculiste, lorsque le sanctuaire était dédié à une déesse des eaux bienfaitrices pour le soin des yeux. Mais ceci n'est qu'une hypothèse.

 

La motte du Ciar1

Travail de l'auteur réalisé avec l'aide du logiciel de dessin Paint.net

 

Un bassin de forme rectangulaire aux bords arrondis alimenté par un ru du delta de la Vanne trône au milieu de la cour du sanctuaire Il fait face à un fanum qui renfermait la statue d'une divinité.


Les découvertes monétaires donnent une indication approximative sur les dates d'occupation d'un site. Dans le cas présent, les quelques fouilles d'urgence effectuées à partir de 1844 par la Société Archéologique de Sens ont mis au jour une centaine de pièces s'échelonnant du début de la période gallo-romaine jusqu'à 337-340, années du règne de Constantin II. Ceci accrédite  l'occupation du site au moins jusqu'au IVe siècle de notre ère.


Augusta HURE (2) précise que les écrits de certains chroniqueurs nous montrent Raynard, comte de Sens vers 953 ou 955, qui fait bâtir et fortifier un château à cet endroit. Plus tard, un acte public du 11 avril 1601 (3) attestera qu'ils étaient bien propriétaires des lieux. Lui-même ou ses successeurs construiront au moins une tour carrée de 4 ou 5 étages visible sur le tableau de Jean Cousin père (1490-1560) et reprise sur le dessin de Sébastien Leclerc (1637-1714). On constatera qu'en un peu plus d'un siècle, il y a eu une démolition systématique autour de la tour. En 1759, l'intendant de l'archevêque de Sens Paul d'Albert de Luynes y fait extraire à l'explosif 150 toises de moellons devant servir à la construction du château de Nolon (4).

Le tableau de Jean Cousin, de dimensions 66 x 46 cm, fait partie aujourd'hui des collections du musée du Louvre. Faute de mieux, cette photocopie donne une idée de l'édifice à cette époque (5).

 

Tab Motte du Ciar1

 

La Motte du Ciar d'après un dessin de Sébastien Leclerc.

 

Tab Motte du Ciar2

 

Le 20 juin 1829 la ville de Sens se porte acquéreur des ruines restantes non pour les sauver mais pour malheureusement continuer le travail de destruction systématique du site. Le Journal « Le mémorial de l'Yonne » raconte dans un article daté de ce jour-là le devenir du site : « Eh bien, Monsieur le rédacteur, parce que la ville de Sens a trop dépensé d'argent pour faire faire une salle de bal aux gens comme il faut, on va vendre par adjudication les ruines du camp de César... ». Ces exemples montrent l'absence totale de considération des gens de cette époque pour le patrimoine. J'en avait déjà parlé dans l'article sur la muraille de Sens.

 

Dans son ouvrage publié en 1847, Victor PETIT (7) précise : « Aujourd'hui encore le sol est jonché de petits morceaux de marbres cubiques, noirâtres et semblables à ceux qui servaient à faire des pavages de mosaïque ». Aujourd'hui, il ne reste plus rien. Du fait de l'exploitation en carrière et surement des nombreux pillages, le mobilier archéologique sauvé par la Société Archéologique de Sens reste très modeste.

 

Motte du Ciar

 

Depuis plus d'un siècle, plusieurs hypothèses ont été présentées sur l'origine du site. Augusta HURE (2) avait émis quelques réserves sur ces avis qu'elle jugeait peu probable. Une étude très récente de Bertrand DEBATTY (1) apporte un éclairage nouveau et très intéressant sur le site de la Motte du Ciar. Selon lui, il s'agirait très probablement d'un sanctuaire gallo-romain. Pour accréditer cette thèse, il convient de se rapprocher d'autres sites afin d'analyser les similitudes existantes.


La ressemblance la plus frappante est le sanctuaire de BLICQUY, commune belge de Leuze-en-Hainaut proche de la frontière française.(8). Situé à une quarantaine de kilomètres de Bavay, il s'inscrit dans une région riche en vestiges gallo-romains. Les points communs avec Sens sont tout à fait étonnants : forme, composition, aménagement intérieur et même orientation. Un mobilier archéologique important permet d'identifier les cultes rendus aux dieux Mars et Mercure.


Bernard RIO (9) donne également l'exemple du sanctuaire de Pfaffenlohweg près de Bâle en Suisse. Comme comparatif, il cite dans son ouvrage le sanctuaire de la Motte du Ciar comme ayant une forme et des dimensions identiques.   

 

Deux autres sanctuaires plus petits et plus proches de nous en pays sénon comportent des points communs intéressants. Il s'agit du site d'Aquis Segeste sur la commune de Sceaux-du-Gâtinais, et celui de Châteaubleau dernière ville sénonaise près de la frontière avec les Meldes.

 

Sources
  1. Bertrand DEBATTY, « Marti, Volkano et sanctissimae Vestae sacrum – Le sanctuaire suburbain de la Motte du Ciar près de Sens (cité des Sénons) », Sanctuaires, pratiques culturelles et territoires civiques dans l'Occident romain, Bruxelles, 2006. 

  2. Augusta HURE, « Le Sénonais gallo-romain», Culture et Civilisation à Bruxelles, 1978

  3.  Théodore TARBE, « Recherches historiques et anecdotiques sur la ville de Sens », imprimerie Tarbé à Sens  

  4. Max QUANTIN, « Répertoire archéologique du département de l'Yonne », imprimerie impériale Paris, 1868 – Archives de l'Yonne G442  

  5. Bulletin de la Société Archéologique de Sens, tome XXI, 1905.  

  6. « Mémorial de l'Yonne », journal politique imprimé à Auxerre.  

  7. Victor PETIT, « La ville de Sens », les éditions du Bastion, 1847, réédition Soferg, 4ème trimestre 1994.  

  8. Germaine LEMAN-DELERIVE, Eugène WARMENBOL, William VAN ANDRINGA, Évelyne GILLET, « Le monde religieux des Nerviens », L'ArchéThéma n°14, mai-juin 2011, Le peuple gaulois des Nerviens. 

  9. Bernard RIO, « L'arbre philosophal », collection Antaios, éditions l'Age d'homme, Lausanne, Suisse, 2001.

Autres documents consultés  
  1. Jean-Paul DELOR, « L'Yonne », Carte archéologique de la Gaule, 2002 

  2. Guillaume LASSAUNIERE, « Réalisation d'une carte archéologique de la ville de Sens à l'époque antique : approche critique des sources et essai de modélisation », mémoire de DEA d'archéologie des périodes historiques. Archéologie de la Gaule romaine sous la direction de Madame Françoise DUMASY, 2006

  3. Lantier Raymond. Les Eaux et leur culte en Gaule. In: Journal des savants. 1962, N°3-4. pp. 227-236. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1962_num_3_1_1036

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  • : Sens et le Sénonais antique et médiéval
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